Discours du maire Xavier Ballenghien en hommage aux tirailleurs africains

Madame la conseillère départementale,

Mesdames et Messieurs les élus municipaux,

Monsieur le président du Souvenir français de Lomagne,

Mesdames et Messieurs, en vos rangs, grades et qualités,

Le 11 novembre 1918 à 11 heures, les combats sont suspendus. C’est la fin de la Première Guerre mondiale. L’armistice est signé, l’ennemi est vaincu. Chaque 11 novembre, la France se souvient. Plus de 9 millions de morts et disparus, dont 1,4 million de Français. 900 jeunes Français mouraient chaque jour au combat. La France comptait 300 000 gueules cassées et 6,5 millions d’invalides. 30 000 soldats de tirailleurs y trouvèrent la mort.

Entre 1914 et 1918, 200 000 tirailleurs, issus principalement d’Afrique de l’Ouest, sont engagés et combattent sous le drapeau français. Beaucoup d’entre eux ne retourneront jamais en Afrique et seront enterrés en France. Le 141e bataillon de tirailleurs sénégalais, dont 73 d’entre eux reposent dans ce cimetière militaire, sont de ces jeunes morts pour la France. Leur histoire est souvent méconnue, leur sacrifice longtemps oublié, leur douleur passée sous silence.

Lectoure fait partie du trait d’union entre la France et l’Afrique. Elle est partie intégrante d’une mémoire franco-africaine, faite de souvenirs heureux, d’un passé particulièrement douloureux, d’un présent mouvementé alors que l’avenir nous appartient, africains et français.

En 1914, Lectoure a été choisie pour accueillir les soldats issus des colonies d’Afrique. Ces Africains rencontraient des difficultés d’adaptation au froid et l’état-major a souhaité les acclimater dans le Sud-ouest pour s’habituer au climat français avant d’être engagés dans l’enfer de la Grande Guerre. Leur histoire souvent racontée avec romance mérite notre attention et plus que jamais notre intérêt. C’est pourquoi l’équipe municipale a décidé de consacrer une double page dans le dernier bulletin communal, à l’histoire de ces héros qui ne font malheureusement pas partie du roman national.

Mesdames et Messieurs,

Pour installer le camp d’acclimatation à Lectoure en vue d’accueillir les tirailleurs africains, le 13e bataillon de tirailleurs malgaches et le 84e bataillon de tirailleurs sénégalais ont été mobilisés sur le chantier. Conçu pour recevoir 1 200 hommes, en décembre 1918, seulement une douzaine de tentes avaient été construites. Le camp n’était pas apte pour accueillir les soldats africains. C’est pourtant dans ces conditions que le 141e bataillon de tirailleurs sénégalais est arrivé à Lectoure le 1er octobre 1918.

Ils furent reçus dans des conditions terribles, plusieurs bénévoles lectourois confectionnèrent alors des tricots, des bonnets, des gants de façon précipitée en vue de réchauffer ces jeunes soldats africains qui grelotaient. C’est la première fois qu’ils partaient loin de leur continent et qu’ils faisaient face à une sévère période hivernale.

Le 1er avril 1919, le 141e bataillon de tirailleurs sénégalais est rapatrié en Afrique depuis Lectoure. Plusieurs habitants participèrent à la prise d’armes, au défilé, à la fanfare, de l’hôpital temporaire du 34 bis à la gare de Lectoure. Ces 73 soldats inhumés ici, en face de vous, dans ce carré militaire, ont vu leurs frères partir vers l’Afrique sans jamais pouvoir y retourner. La maladie les avait rongés et ils en sont morts. J’imagine la tristesse de leurs proches, de leurs parents, de leurs amis, de leurs villages.

Lectoure garde une part d’Afrique. Ici au carré militaire reposent Yao KOFFI, Mamadou GOUNDI, Mamady DIAKITE. Seikou SANKARE et tous leurs compagnons. Ces soldats ont été l’objet de préjugés, de traitement inhumain et dégradant. Ils ont été arrachés à ce qu’ils avaient de plus précieux : leurs familles. Ils ont été dans l’oubli, leur engagement et leur courage ont été mis sous silence. Ces jeunes africains sont morts pour la France. Honneur à eux !

Mesdames et Messieurs,

Il faut reconnaître que plusieurs de ces soldats africains ont été recrutés de force pour venir combattre l’ennemi allemand. Ils furent longtemps absents de la mémoire collective. Leur héroïsme n’a que très récemment éveillé notre attention. Nos émotions ont été sélectives et cela a participé à une forme de rejet, de ressentiment contre la France en Afrique de l’Ouest.

Je tiens à saluer le travail de Robert Duclos et tous ceux qui ont œuvré à la restauration de ce cimetière militaire. En 1950, il entreprit en effet la restauration de ce cimetière en lien avec les anciens combattants et le souvenir français. Je salue également le travail de restauration supplémentaire effectué en 2001 par la Direction de la Mémoire du patrimoine des archives. Par la même occasion, je salue le travail de l’association « France-Casamance ».

Le souvenir français de Lomagne fait aujourd’hui un travail exigeant pour ne jamais oublier et toujours se souvenir de tout ce qui fait la France.

Le devoir de mémoire, c’est aussi des initiatives comme la sortie en salle cette année du film « tirailleurs » de Mathieu Vadepied où Omar Sy, acteur français, tient le premier rôle. Ce film qui nous sensibilise à la difficile intégration des soldats africains puisqu’ils ne parlaient pas la même langue, arrachés dans des territoires différents.

Dans cette continuité mémorielle, l’équipe municipale renforcera prochainement sa collaboration avec le consul général du Sénégal à Bordeaux. Parce que Lectoure a une part d’Afrique en elle ; je continuerai d’œuvrer en coordination avec le souvenir français de Lomagne pour raviver la flamme des tirailleurs africains de Lectoure dans les cœurs des générations futures.

Merci pour votre présence et votre attention.